Anne-Cécile Ragot (COREUM) et Andrea Caro (Mouvement Sol)

Mai 2018

 

Parmi les différents modèles de monnaies sociales, celles qu’on appelle les MLC (Monnaies Locales Complémentaires) ou MLCC (avec un C complémentaire pour Citoyennes) sont prêtes à un changement d’échelle, toutes les conditions semblent réunies.

 

Le contexte politique, le cadre réglementaire, les avancées technologiques des solutions de paiement numérique, la prise de conscience d’une nécessaire transition écologique et sociale et les changements des modes de consommation et de production qui l’accompagnent sont autant de facteurs qui nous laissent espérer un changement d’échelle imminent pour les MLCC.

Depuis que la loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS donne un cadre légal aux MLC, de plus en plus de collectivités locales décident de soutenir ces initiatives. C’est notamment le cas de la Région Normandie qui lance sa monnaie régionale 100% digitale et a consacré des ressources sans précédent pour ce projet à l’initiative de son Président lui-même, Hervé Morin. Par ailleurs, début 2018, une trentaine d’élus ont adressé une lettre ouverte au gouvernement, afin de lui demander de clarifier la situation juridique concernant le droit des collectivités d’utiliser des titres de paiement complémentaires pour faire des paiements aux acteurs qui ont choisi d’adhérer à un réseau monétaire local.

Bien plus qu’une mode, le local est une vraie tendance de fond. Selon l’étude « Les Français la consommation locale et le digital » (2017, « Mes Courses pour la Planète »), près d’1 Français sur 4 est un adepte du « localisme », et leur « attente n°1 est un site ou une appli regroupant tous les professionnels et commerces qui produisent localement ». Ces annuaires géolocalisés de la consommation responsable sont d’ores et déjà proposés par la plupart des MLCC.

Les solutions de paiement numérique pour MLCC sont enfin prêtes et disponibles. Les chiffres des MLCC pionnières du digital sont extrêmement encourageants : « La dématérialisation de la monnaie a indéniablement contribué au succès du Bristol Pound : 75% des transactions réalisées dans le réseau sont électroniques (2017, M. Cauvet, B. Perrisson Fabert). Quant à l’Eusko, la monnaie basque, son passage au numérique a permis d’augmenter sa masse monétaire en circulation de 40% au cours des douze premiers mois. A l’heure de la digitalisation des centres-villes, les professionnels sont aussi de plus en plus réceptifs. En 2018, 7 MLCC adhérentes du Mouvement Sol compléteront leurs coupons-papier avec des solutions de paiement numériques.

Le concept des MLCC est aujourd’hui bien modélisé grâce au foisonnement d’expériences dont les retours et bonnes pratiques sont partagés avec l’ensemble du réseau : son architecture monétaire et ses modalités de fonctionnement sont bien décrites, de nombreux documents et guides pédagogiques pour sa mise en œuvre ont été rédigés (critères à respecter pour une conformité avec le cadre réglementaire, architecture contractuelle avec les banques partenaires et conventions avec les collectivités, guide pour la comptabilité en MLCC, modèles économiques …). Tous les éléments techniques sont donc aujourd’hui à notre disposition, l’enjeu ne porte plus sur la conceptualisation d’un modèle innovant de monnaie alternative mais sur la réalisation et mise en œuvre opérationnelle.

Si les MLCC séduisent, la question reste encore pour beaucoup « Est-ce que ça marche ? ».  Pour pouvoir y répondre, le Mouvement Sol prépare un projet de développement d’outils et de méthodologies pour mesurer l’impact social des MLCC françaises. . Les MLCC doivent grandir et fédérer des réseaux de l’ordre de 5000 professionnels et plusieurs dizaines de milliers d’utilisateurs. Pour cela elles doivent être en mesure de mobiliser des ressources financières et humaines plus importantes, et la garantie d’une mesure rigoureuse de l’impact associée à un bon modèle économique est un argument de taille pour les bailleurs de fonds.